Une brève histoire du monde occidental, de l’antiquité à nos jours, fait ressortir les principales formes de discrimination et d’exploitation subies par l’homme au cours des siècles.
Nous avons privilégié les époques qui ont façonné nos mentalités et nos imaginaires et structuré notre représentation de l’autre et de nous-même.
« On sait que la notion d’humanité, englobant, sans distinction de race de civilisation, toutes les formes de l’espèce humaine, est d’apparition fort tardive et d’expansion limitée. Là même où elle semble avoir atteint son plus haut développement, il n’est nullement certain – l’histoire récente le prouve – qu’elle soit établie à l’abri des équivoques ou des régressions. Mais, pour de vastes fractions de l’espèce humaine et pendant des dizaines de millénaires, cette notion paraît être totalement absente. L’Humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village ; à tel point qu’un grand nombre de populations dites primitives se désignent par un nom qui signifie les « hommes » (ou parfois – dirons-nous avec plus de discrétion – les « bons », les « excellents », les « complets »), appliquant ainsi que les autres tribus, groupes ou villages, ne participent pas des vertus – ou même de la nature – humaines, mais sont tout au plus composées de « mauvais », de « méchants », de « singes de terre » ou d’ «œufs de pou ». On va souvent jusqu’à priver à l’étranger de ce dernier degré de réalité en en faisant un « fantôme » ou une « apparition ». Ainsi se réalisent de curieuses situations ou deux interlocuteurs se donnent cruellement la réplique. Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l’Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d’enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une âme, ces derniers s’employaient à immerger des Blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leurs cadavres étaient, ou non, sujets à la putréfaction. »
Claude Lévi-Strauss, Race et histoire [1952], rééd. Paris, Gallimard, collection « Folio », 1987, p. 2021, Editions Denoël, 1952
« L’attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur les fondements psychologiques solides puisqu’elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles (morales, religieuses, sociales, esthétiques) qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. « Habitudes de sauvages », « cela n’est pas de chez nous », etc., autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion, en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi l’Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas à la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de « Barbares » ; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de « Sauvages » dans le même sens. »
Claude Lévi-Strauss, Race et histoire [1952], rééd. Paris, Gallimard, collection « Folio », 1987, p. 2021, Editions Denoël, 1952