Dès la fin du XVIIIe siècle apparaissent les premiers processus émancipateurs qui vont aboutir à la fin d’un système né avec les « grandes découvertes » et organisé au cours des deux siècles précédents.
Dès la fin du XVIIIe siècle, apparaissent les premiers processus émancipateurs qui vont aboutir à la fin d’un système né avec les «grandes découvertes» et organisé au cours des deux siècles précédents.
L’Europe connaît de graves troubles politiques qui ébranlent les puissances monarchiques et impériales.
1776 : les États-Unis proclament leur indépendance à la suite d’une guerre contre les soldats de la Couronne britannique. C’est le tout premier État à s’arracher à la tutelle européenne. La lutte des colons contre les Anglais s’est faite avec l’aide de la France, qui a vu là une bonne occasion de fragiliser les positions de son éternel rival.
1789 : Révolution française. Abolition de la monarchie. Première abolition de l’esclavage (1794). Arrivée au pouvoir de Napoléon qui envahit l’Europe, l’Égypte où il défait la cavalerie mamelouke, et l’élite de l’empire Ottoman, la Pologne, l’Ukraine, la Russie, ainsi que les puissances tutélaires des deux plus grands empires du moment : l’Espagne et le Portugal. Ces tensions vont profiter aux colonies.
L’occupation de l’Espagne entre 1808 et 1810 par les troupes de Napoléon provoque le coup d’envoi des mouvements de libération qui s’échelonneront jusqu’en 1824 et donneront naissance à une constellation de petits États nationaux : Mexique, Pérou, Chili, Bolivie, Équateur, Colombie, Venezuela,… dont les frontières coïncideront peu ou prou avec les limites des audiencas, ces territoires administratifs définis sous domination espagnole. Seules les îles de Cuba et Porto Rico resteront attachées à l’Espagne (jusqu’à la fin du XIXe siècle).
Il n’y a pas eu à proprement parler une « guerre hispano-américaine d’indépendance », mais plusieurs, très différentes d’un pays à l’autre, le plus souvent sans liaison effective entre elles. En revanche, confortés par l’influence des Lumières et l’exemple des Révolutions américaine et française, ces mouvements trouvent tous leurs origines dans les abus du régime colonial : monopole commercial au profit exclusif de la métropole ; excès de la fiscalité royale ; tyrannie administrative des vice-rois ; concentration des pouvoirs de décision à Madrid … Ces abus ont favorisé l’émergence d’une couche sociale « créole », minorité puissante et riche, qui revendique pleinement le contrôle de l’économie et qui cherche depuis longtemps l’occasion d’affirmer sa prépondérance sur la masse misérable et méprisée des populations de couleur.
Mais, de ces guerres, l’Amérique espagnole est sortie exsangue. Son appareil productif est détruit et les injustices sociales se sont creusées. Elle devra emprunter de fortes sommes aux Britanniques (qui dominent la finance mondiale) pour relancer son économie. Aujourd’hui encore, ces pays portent la marque que ces guerres d’indépendance ont engendrée : pouvoir concentré entre les mains d’une minorité soutenue par l’armée et forte dépendance financière à l’égard des puissances étrangères.
Le Brésil n’a pas eu à combattre. L’absence d’une véritable politique d’occupation territoriale explique en partie la fragilité de cet empire qui ne résista pas aux interventions des Hollandais puis des Français et des Anglais. Placé sous le contrôle économique des Britanniques, il gagnera ipso facto son indépendance quand le roi du Portugal, défait par les armées de Napoléon en 1808, s’est installé à Rio de Janeiro avec sa famille.
La fin des deux grands empires coloniaux, portugais et espagnols, marque un tournant. L’Espagne s’éclipse brutalement, après s’être affirmée pendant trois siècles comme un acteur majeur de la scène internationale. A l’inverse, la Grande-Bretagne, malgré la perte de ses colonies nord-américaines, s’impose sur la scène mondiale par la force de son commerce et de sa puissance maritime. Les États-Unis, jeune nation émergente, attirent de plus en plus d’immigrants venant d’horizons de plus en plus divers. En 1830, les enjeux de politique intérieure poussent la France à engager des troupes militaires en Algérie et à se lancer dans la colonisation du pays.
Lorsque la monarchie revient aux affaires, l’empire colonial est exsangue : l’île d’Haïti est indépendante ; les îles Maurice, Sainte-Lucie et Tobago sont anglaises ; les comptoirs du Sénégal viennent à peine d’être restitués à Louis XVIII (1816)… En 1830, Charles X, pour des questions de politique intérieure, décide de conquérir la régence d’Alger. Plus tard, Louis-Philippe confie la poursuite de cette « mission » au maréchal Bugeaud – action qui consistera en une longue succession de violences et de répressions contre les populations locales – jusqu’à la reddition de l’émir Abd el-Kader en 1847. A la veille de la IIe République, une nouvelle dynamique impériale est donc en marche. L’édifice impérial va être progressivement légitimé par les idéaux républicains, alors que Victor Schœlcher (1804 – 1893), sous-secrétaire d’État en charge des Colonies, obtient l’abolition définitive de l’esclavage le 27 avril 1848. La Constitution de cette même année organise l’Algérie en trois départements français.
Un peu partout en Afrique et ailleurs, des actions « missionnaires » se développent, soutenues par une Église qui cherche de nouveaux convertis et par des associations philanthropiques qui cherchent à promouvoir « la civilisation ». Ces mouvements, timides au début, vont aller s’intensifiant. Ils prépareront la « seconde colonisation ».
L’abolition est un long combat qui se fera en plusieurs étapes. D’abord lutte contre mauvais traitements infligés aux esclaves et amélioration de leurs conditions de vie et de travail, ensuite interdiction de la traite, puis interdiction de l’esclavage.
C’est dans le monde anglophone que le mouvement abolitionniste va d’abord se développer et c’est dans le monde anglo-saxon que s’affirmeront les premières condamnations explicites de l’esclavage.
En 1759, des quakers de descendance allemande et suisse, établis en Pennsylvanie, déclarent l’esclavage contraire à l’esprit du christianisme et, en 1774, décident d’exclure de leur communauté tous ceux qui le pratiquent. Ces communautés religieuses protestantes (quakers, méthodistes…) exercent une forte pression morale en Angleterre et aux États-Unis d’Amérique. Une action relayée auprès de l’opinion et des pouvoirs politiques par l’action de sociétés humanistes et philanthropiques, inspirées par la philosophie des Lumières. Le lobby des planteurs est également très actif. Mais le sucre des colonies coûte de plus en plus cher à produire et à acheminer et la culture de la betterave sucrière en Europe se développe pour le concurrencer. L’économie des colonies est fragilisée. Les temps changent.
L’Angleterre est le pays le plus en avance sur la révolution industrielle, un essor qui réclame une forte main-d’œuvre. Elle pressent les prochaines évolutions et comprend que l’esclavage sera un obstacle aux futurs développements de son économie. L’esclavage est un mode de production plus coûteux et plus contraignant que le travail libre d’un salarié. Elle décide d’interdire l’esclavage sur son sol (mais pas dans ses colonies) en 1772.
Un évènement qui sera suivi d’une vague d’émancipation dans les états du Nord des États-Unis où sont également très présents ces courants religieux et dont l’économie repose très peu sur les plantations agricoles. L’État du Vermont déclare l’esclavage illégal en 1777, le New Hampshire en 1783, la Pennsylvanie en 1780, Rhodes Island en 1784.
Une étape est franchie, mais de vives résistances sont rencontrées à mesure que l’on progresse vers le sud où l’économie est entièrement fondée sur le travail des esclaves.
À l’initiative du député William Wilberforce, la Grande-Bretagne vote en 1808 l’interdiction de la traite sur les navires anglais dans l’espoir d’endiguer l’esclavage. Les autres pays suivent. 1815 : au congrès de Vienne, les États signataires posent le principe d’une condamnation de la traite, qui sera confirmé par le congrès d’Aix la Chapelle trois années plus tard. Un succès qui se confond avec la propagation des idées des Lumières et qui sera suivi d’effets : la Hollande et la Suède abolissent la traite en 1818, la France en 1827, l’Espagne en 1835 (10 ans après la perte de son empire), le Portugal en 1839, le Brésil en 1850.
Mais, malgré ces dispositions légales, pirates et contrebandiers continuent de la pratiquer. Entre 1811 et 1870, près de 2 millions d’esclaves transitent d’Afrique aux Amériques, dont 60 % au Brésil et 32 % à Cuba (colonie espagnole). L’Angleterre, qui dispose de la marine la plus forte et qui contrôle les mers, est mandatée pour lutter contre ce trafic clandestin. Son engagement dans la lutte contre ce fléau est aussi dicté par des considérations commerciales : lutter contre la concurrence des autres pays qui continuent d’y avoir recours.
Forte de sa position, l’Angleterre abolit l’esclavage dans ses colonies en 1833. Elle s’engage en retour à verser à ses colons une subvention de 20 millions de livres sterling. Un somme très importante pour l’époque, qui représente près de la moitié de la valeur de ces esclaves.
Dans la foulée est créée en France la Société pour l’abolition de l’esclavage. La lutte, portée par Victor Schoelcher, aboutira 15 ans plus tard à la faveur de la révolution politique de 1848. Le mouvement se répand ensuite au Brésil (1856) puis dans les colonies espagnoles (entre 1880 et 1886).
Aux USA, la lutte pour l’abolition sera longue et conflictuelle. De la Floride à la Virginie en passant par le Mississipi, le Texas, la Louisiane, l’économie repose entièrement sur les plantations esclavagistes. Les États-Unis sont de gros producteurs de coton et de tabac, produits qu’ils exportent en grande quantité. En 1823 est créé « la société pour l’abolition de l’esclavage », mais ce n’est qu’à l’issue de la Guerre de Sécession (1861-1865) qui opposera les États du Nord industrieux aux États du sud agricoles, qu’Abraham Lincoln, Président des États-Unis, pourra déclarer l’esclavage aboli. Il sera assassiné quelques mois plus tard par un sudiste fanatique.
La fin de l’esclavage n’abolira pas les préjugés raciaux. Aux États-Unis, racisme et ségrégationnisme resteront vivaces, dans les États du Sud notamment. Dans les colonies françaises, le statut colonial est maintenu, les maîtres reçoivent une compensation financière mais les nouveaux affranchis ne reçoivent rien. Les Noirs devront attendre les luttes menées un siècle plus tard par Martin Luther King, Malcom X… pour se voir reconnaître les mêmes droits civiques que les Blancs. Et ce n’est qu’en 2009 qu’un Noir, Barak Obama, accédera pour la première fois à la présidence américaine. En Afrique du Sud, Nelson Mandela met fin à l’apartheid en 1994.
Proclamation du 10 mai 1802 :
« La résistance à l’oppression est un droit naturel. À l’univers entier le dernier cri de l’innocence et du désespoir. C’est dans les plus beaux jours d’un siècle à jamais célèbre par le triomphe des Lumières et de la philosophie qu’une classe d’infortunés qu’on veut anéantir se voit obligée d’élever sa voix vers la postérité pour lui faire connaître, lorsqu’elle aura disparu, son innocence et ses malheurs »
« Le sol de France affranchit l’esclave qui le touche » (1848)
Victor Schœlcher est un homme d’État français, né à Paris le 22 juillet 1804 et mort à Houilles le 25 décembre 1893.
Il est connu pour avoir impulsé l’abolition définitive de l’esclavage en France.
L’esclavage avait déjà été aboli en France à l’initiative de l’Abbé Henri Grégoire, pendant la Révolution française (4 février 1794, 16 pluviôse an II), puis rétabli par Napoléon 1er par la loi du 20 mai 1802. Victor Schœlcher, nommé par Lamartine président de la commission d’abolition de l’esclavage, est l’initiateur du décret du 27 avril 1848 abolissant définitivement l’esclavage en France.